Une histoire incroyable aux 1000 ricochets

ou la fin d’un vieux conte qui règle un vieux compte…

⏱️ Temps de lecture : 4 min

Alain GB

Cette histoire m’influence toujours…

Ce matin, j’ai soldé mon premier contrat moral. Mais je me sens redevable envers le monde. Le désir de liquider ce compte, d’en accomplir davantage m’emplit.

Avez-vous remarqué que certaines lectures vous marquent au plus profond de votre être et changent votre façon de penser ?

Aujourd’hui, du fond de ma mémoire, me revient cette fable millénaire.

Malheureusement, je n’en trouve plus de trace dans ma bibliothèque. J’écris, de mémoire, un résumé, un pâle reflet de l’original.

Coup d’épaule

Un vieux sage, son regard bienveillant, mais perspicace, comme s’il lisait au plus profond des âmes, rencontre un paysan dont le chariot embourbé donne beaucoup de mal à son buffle. L’homme de la terre s’essouffle de concert avec l’animal pour se sortir de cette profonde ornière. Voyant les efforts, le voyageur s’arcboute et en unissant leurs forces, l’affaire est réglée en peu de temps.

Le cultivateur s’agenouilla :

— Comment prouver ma gratitude ?
— Mon brave, c’est juste un coup d’épaule.
— J’insiste, libère-moi de ma dette.
— Bien, promets-moi une simple chose.
— Oui ! Vénérable, je vous donne ma parole.
— Tu aideras, pour les dix prochaines occasions qui se présenteront à toi.
— Mais Maître, c’est envers vous que je me sens reconnaissant.
— Vaillant homme, comprend mon égoïsme, quelle chance de te trouver quand cela sera nécessaire ?
En revanche, si tu secours dix personnes, tu multiplies par dix mes opportunités, qui se transformeront en cent, puis dix mille, tu vois, mon ami, je ne pense qu’à moi.

Ricochets

Nous circulons beaucoup à la rencontre des gens et des paysages, forcément le risque de panne s’intensifie, lire ici ou bien là, mais des situations cocasses produisent de grands souvenirs.

Avec ce petit garçon, j’entends Rodrigue, Rodrigue : « Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ». (Pierre Corneille – Le Cid – 1606-1684)

Panne sèche, cœur arrosé

Nous aimons flâner au gré des routes et des chemins, juste pour le plaisir d’être présents, ici et maintenant. Ce soir-là, alors que nous longions la côte loin des terres habitées, une silhouette attire notre attention. Un homme, la veste rustique et élimée, pousse péniblement une antique moto grinçante. Son visage buriné et ses mains gantées de cals témoignent d’une vie de labeur. Sa femme ridée comme une pomme ratatinée, regard malicieux, avance d’un pas tranquille dans son sillage. Un seau d’outils se balançait au rythme de sa démarche. Sans hésitation, comme si une vieille promesse me liait à cet instant, j’arrête notre monture à leur hauteur.

Le kick

Des points d’interrogation dans les yeux, peu de mots et quelques gestes plus tard, le diagnostic, c’est la panne sèche. Nous lui offrons de l’accompagner jusqu’au ravitaillement. Je le vois chercher un récipient dans le fossé. Je lui montre ma bouteille, large sourire édenté, nous nous sommes compris. Nous voilà partis vers le distributeur d’essence, qui se trouve non loin. En chemin, les paroles du sage rebondissent dans mon esprit – nul ne sait quand et comment un acte de bonté nous sera rendu.

Je ne trouve pas le bouchon de mon réservoir
Le petit aller-retour aura pris une dizaine de minutes.

Le transvasement terminé, deux coups de kick, toussotement du moteur, pétarades, échanges de sourires,
avec un ไห​ว้ (waï-salut traditionnel) respectueux, le couple en chœur lance :
– ขอบคุณ​มาก​ครับ​ (Khopkhungmakkhrap-merci beaucoup), auquel je réponds :
– ไม่เป็นไรครับ (Maï pen raï Krap-Avec plaisir)

Nous regagnons les chemins de nos vies.

Et de dix…

Et de dix, je solde, Maître, cette dette, je tiens ce vieux pacte que nous avions contracté.

Étincelles d’espoir

Je suis encore un enfant, un naïf, un candide, je continue de croire en la force des histoires, des chansons ou des photographies pour métamorphoser le monde.
Je refuse de perdre ma foi en la capacité des individus à faire la différence, ne serait-ce qu’auprès d’une seule personne.

Je poursuis mon voyage, prêt à aider davantage de personnes dans le besoin, en gardant à l’esprit le pouvoir transformateur des récits et des actions bienveillantes. Car je sais que, même si je ne peux pas changer le monde, je peux contribuer, à ma manière, à apporter des petites lueurs d’espoir et de bonté dans le cœur des gens que je croise sur ma route.
Et peut-être qu’un jour, ces étincelles de bonheur se rassembleront pour illuminer l’univers tout entier.

Geste de bonté
Ricochets de compassion
Sincère candeur

Alain GB 2024

Lao Tseu

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